bénédiction.—Madame, chère reine, qui finîtes lorsque je ne faisais que de commencer, donnez-moi cette main à baiser.
PAULINE.—Oh ! arrêtez ! la statue n’est posée que tout nouvellement ; les couleurs ne sont pas sèches.
CAMILLO.—Seigneur, vous n’avez que trop cruellement ressenti le chagrin que seize hivers n’ont pu dissiper, qu’autant d’étés n’ont pu tarir ; à peine est-il de bonheur qui ait duré aussi longtemps ; il n’est point de chagrin qui ne se soit détruit lui-même beaucoup plus tôt.
POLIXÈNE, au roi.—Chère frère, permettez que celui qui a été la cause de tout ceci, ait le pouvoir de vous ôter autant de chagrin qu’il en peut prendre lui-même pour sa part.
PAULINE.—En vérité, seigneur, si j’avais pu prévoir que la vue de ma pauvre statue vous eût fait tant d’impression (car ce marbre est à moi), je ne vous l’aurais pas montrée.
(Elle va pour fermer le rideau.)
LÉONTES.—Ne tirez point le rideau.
PAULINE.—Vous ne la contemplerez pas plus longtemps : peut-être votre imagination en viendrait-elle à penser qu’elle se remue.
LÉONTES.—Je voudrais être mort, si ce n’est qu’il me semble que déjà… Quel est cet homme qui l’a faite ? Voyez, seigneur, ne croiriez-vous pas qu’elle respire, et que le sang circule en effet dans ses veines ?
POLIXÈNE.—C’est le chef-d’œuvre d’un maître : la vie même semble animer ses lèvres.
LÉONTES.—Son œil, quoique fixe, semble animé, tant est grande l’illusion de l’art !
PAULINE.—Je vais fermer le rideau : mon seigneur est déjà si transporté qu’il va croire tout à l’heure qu’elle est vivante.
LÉONTES.—O ma chère Pauline ! faites-le-moi croire pendant vingt années de suite ; il n’est point de raison sage dans ce monde qui puisse égaler le plaisir de ce délire. Laissez-moi la voir.
PAULINE.—Je suis bien fâchée, seigneur, de vous avoir