Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/109

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perte, votre fille va devenir reine. Je ne puis vous donner tous les dédommagements que je voudrais, acceptez donc les offres qui sont en ma puissance. Dorset, votre fils, qui, l’âme remplie de crainte, a porté ses pas mécontents dans une terre étrangère, aussitôt rappelé, va se voir porter par cette heureuse alliance aux plus hautes dignités et à la plus brillante fortune. Le roi, qui nommera votre charmante fille son épouse, donnera familièrement à votre Dorset le titre de frère : vous serez encore la mère d’un roi, et tous les ravages d’un temps de malheur seront bientôt réparés par un double trésor de jouissances. Quoi ! nous pouvons voir couler encore une foule de jours heureux. Chaque goutte des pleurs que vous avez versés peut vous revenir changée en perle d’Orient, et payée avec usure par les avantages d’un bonheur dix fois redoublé. Va donc, ma mère, va trouver ta fille ; enhardis, par ton expérience, sa timide jeunesse ; dispose son oreille à entendre les vœux d’un amant ; enflamme son tendre cœur du désir ambitieux de la brillante souveraineté ; révèle à la princesse la douceur de ces heures silencieuses des joies du mariage ; et, sitôt que mon bras aura châtié ce petit rebelle, cet écervelé de Buckingham, je reviendrai couvert de lauriers triomphants, et conduirai ta fille à la couche d’un vainqueur : c’est à elle que je ferai hommage de mes succès et de mes conquêtes ; à elle seule appartiendra la victoire ; elle sera le César du César.

Élisabeth. ― Que pourrais-je lui dire ?… Que le frère de son père voudrait être son époux ? ou lui dirai-je son oncle ? ou bien celui qui a tué ses frères et ses oncles ? Sous quel titre lui annoncer tes désirs, que Dieu, que les lois, mon honneur et son amour puissent rendre agréable à sa tendre jeunesse ?

Le roi Richard. ― Montrez-lui cette alliance donnant la paix à la belle Angleterre.

Élisabeth. ― Mais elle l’achèterait aux dépens de ses troubles éternels.

Le roi Richard. ― Dites-lui que le roi, qui pourrait commander, la supplie.