WOLSEY.—L’intendant du duc de Buckingham ? Ah ! où est sa déposition ? LE SECRÉTAIRE.—La voici, avec votre permission. WOLSEY.—Est-il prêt à la soutenir en personne ? LE SECRÉTAIRE.—Oui, dès qu’il plaira à Votre Grâce. WOLSEY.—Eh bien ! nous en saurons donc davantage, et Buckingham abaissera ce regard altier.
BUCKINGHAM.—Ce chien de boucher[1] a la dent venimeuse, et je ne suis pas en état de le museler : il vaut donc mieux ne point l’éveiller de son sommeil. Le livre d’un gueux vaut mieux aujourd’hui que le sang d’un noble. NORFOLK.—Quoi ! vous vous emportez ? Priez le ciel qu’il vous donne la modération ; elle est le seul remède à votre mal. BUCKINGHAM.—J’ai lu dans ses yeux quelque projet contre moi ; son regard est tombé sur moi comme sur l’objet de ses mépris : en ce moment même il me joue quelque tour perfide. Il est allé chez le roi ; je veux le suivre et l’effrayer par ma présence. NORFOLK.—Demeurez, milord ; attendez que votre raison ait interrogé votre colère, sur ce que vous allez faire. Pour gravir une pente escarpée, il faut monter doucement d’abord. La colère ressemble à un cheval fougueux qui, abandonné à lui-même, est bientôt fatigué par sa propre ardeur. Personne, en Angleterre, ne pourrait me conseiller aussi bien que vous : soyez pour vous-même ce que vous seriez pour votre ami. BUCKINGHAM.—Je vais aller trouver le roi ; et je veux faire taire, en parlant comme il sied à un homme de mon rang, ce roturier d’Ipswich, ou bien je publierai qu’il n’y a plus aucune distinction entre les hommes.
- ↑ Wolsey était fils d’un boucher.