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ACTE II, SCÈNE III.

LA VIEILLE DAME. — Le contentement est notre plus grand bien. ANNE. — Sur ma foi et mon honneur[1], je ne voudrais pas être reine. LA VIEILLE DAME. — Foin de moi, je voudrais bien l’être, moi, et j’aventurerais bien mon honneur pour cela, et vous en feriez tout autant, malgré ces airs sucrés d’hypocrisie. Vous qui possédez à un très-haut degré les attraits d’une femme, vous avez aussi un cœur de femme ; et le cœur d’une femme a toujours été charmé par l’élévation, l’opulence et la souveraineté ; et pour dire la vérité, ce sont des choses très-désirables, et quoique vous fassiez la petite bouche, la complaisante capacité de votre conscience, pour peu qu’il vous plaise de l’élargir, se prêterait fort bien à recevoir ce présent. ANNE. — Non, en vérité. LA VIEILLE DAME. — Je vous dis que si en vérité, et en vérité. — Vous ne voudriez pas être reine ? ANNE. — Non, non, pour tous les trésors qui sont sous le ciel. LA VIEILLE DAME. — Cela est étrange : pour moi, toute vieille que je suis, une pièce de trois sous qui viendrait me faire la révérence suffirait pour me gagner à partager la royauté. Mais dites-moi, je vous prie, et celui de duchesse, qu’en pensez-vous ? Êtes-vous de force à porter le poids d’un pareil titre ? ANNE. — Non, en vérité. LA VIEILLE DAME. — En ce cas, vous êtes d’une constitution bien faible. Retranchons encore quelque chose : pour plus que je n’oserais dire, je ne voudrais pas, si j’étais un jeune comte, me trouver dans votre chemin. — Pour ce fardeau, si vous n’avez pas les reins assez forts pour le porter, vous serez trop faible aussi pour faire jamais un garçon. ANNE. — Que venez-vous donc me conter là ! Je jure une seconde fois que je ne voudrais pas être reine pour le monde entier.

  1. Maiden head.