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ACTE III, SCÈNE II.

LE ROI HENRI. — Si nous pouvions croire que ses méditations s’élèvent au-dessus de la terre et sont fixées sur quelque objet spirituel, je le laisserais plongé dans ses rêveries ; mais j’ai bien peur que ses pensées ne rampent bien au-dessous du firmament et qu’elles ne méritent pas une contemplation aussi sérieuse.

(Il s’assied, et parle bas à Lovel, qui va ensuite aborder Wolsey.)

WOLSEY. — Que le Ciel me pardonne. — (Il s’avance vers le roi.) Que Dieu favorise Votre Majesté ! LE ROI HENRI. — Mon bon lord, vous êtes plein des choses du ciel, et c’est dans votre âme que réside l’inventaire de vos plus grands trésors. C’étaient eux sans doute que vous étiez là occupé à passer en revue : à peine pouvez-vous prendre sur vos soins spirituels un moment de loisir pour tenir vos comptes temporels. Sûrement dans ceux ci, je vous crois un assez mauvais économe, et je suis bien aise que vous me ressembliez sur ce point. WOLSEY. — Sire, j’ai distribué mon temps de la sorte ; une partie pour les saints offices de mon ministère, une autre pour vaquer à la part que j’ai dans les affaires de l’État : la nature réclame aussi ses heures pour sa conservation et moi, son faible enfant, comme les mortels mes frères, je suis forcé de me prêter à ses besoins. LE ROI HENRI. — Vous avez parlé à merveille. WOLSEY. — Et je souhaite que Votre Majesté, comme j’espère lui en donner occasion, fasse toujours marcher pour moi le bien faire avec le bien dire. LE ROI HENRI. — C’est encore bien dit ; et c’est en effet une sorte de bonne action que de bien dire. Cependant les paroles ne sont pas les actions. Mon père vous aimait, il me disait qu’il vous aimait, et il confirmait sa parole par ses actions en votre faveur. Depuis que je possède ma dignité, je vous ai tenu tout près de mon cœur : je ne me suis pas contenté de vous placer dans les emplois dont vous pouviez retirer de grands profits, mais j’ai même pris sur mes revenus actuels pour verser sur vous mes bienfaits. WOLSEY, à part. — Où peut tendre ce discours ?