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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/341

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robuste, belle et fière, aperçoit le coursier impatient d’Adonis ; elle accourt, s’ébroue et hennit. Le coursier vigoureux, attaché à un arbre, brise ses rênes, et va droit à elle.

XLV. — Il s’élance, il hennit, le voilà qui bondit avec orgueil, de son dur sabot rompt la courroie de la sangle. Triomphant de ce qui le régissait, il frappe la terre dont les cavités résonnent comme le tonnerre du ciel. Il broie entre ses dents le fer de son mors tressé.

XLVI. — Ses oreilles se dressent, les flots de sa crinière se hérissent sur son cou recourbé, replié ; ses naseaux aspirent l’air, et, comme une fournaise, rejettent d’épaisses vapeurs ; son œil superbe, qui étincelle comme le feu, montre son ardent courage et le transport qui l’agite.

XLVII. — Tantôt il trotte, comme s’il comptait ses pas, avec une majesté calme et une modeste fierté ; puis il se cabre, fait des courbettes et s’élance comme s’il disait : Voyez ! telle est ma force ; c’est ainsi que je cherche à captiver le regard de la belle cavale.

XLVIII. — Que lui importe maintenant son cavalier irrité qui l’appelle, ses flatteurs « holà » ou ses cris « arrête-toi, entends-tu ? » Que lui importent les rênes et la pointe aiguë de l’éperon, son riche harnais et son caparaçon brillant ? Il voit celle qu’il aime et ne voit qu’elle ; seule elle plaît à ses orgueilleux regards.

XLIX. — Voyez le tableau où un peintre aurait voulu surpasser son modèle, en peignant un coursier bien proportionné ; son art lutte contre l’œuvre de la nature, comme si les morts pouvaient l’emporter sur les vivants. Ce même coursier était au-dessus d’un coursier ordinaire par ses formes, son courage, sa couleur, son allure et sa vigueur.

L. — Sabot arrondi, articulations courtes, fanons velus et longs, large poitrail, œil grand, tête petite, naseaux bien ouverts, encolure haute, oreilles courtes, jambes fortes et déliées, crinière claire, queue épaisse, croupe arrondie, peau fine, il avait tout ce qu’un cheval doit avoir, excepté un fier cavalier sur son dos orgueilleux.

LI. — Quelquefois il s’éloigne et de là il regarde avec surprise, puis il bondit au mouvement d’une plume. Bientôt il se prépare à défier le vent : et on ne sait plus s’il court, où s’il vole. Le vent siffle entre sa crinière et sa queue, soulevant les crins qui se déploient comme des ailes emplumées.

LII. — Il regarde celle qu’il aime et lui adresse ses hennissements ; elle lui répond comme si elle devinait sa pensée.