Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/38

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Second assassin. ― Ce mot de jugement, que je viens de prononcer, a fait naître en moi une espèce de remords.

premier assassin. ― Quoi ! as-tu peur ?

Second assassin. ― Non pas de le tuer, puisque nous avons notre ordre pour garantie, mais d’être damné pour l’avoir tué : ce dont aucun ordre ne pourrait me sauver.

premier assassin. ― Je t’aurais cru plus résolu.

Second assassin. ― Je suis résolu de le laisser vivre.

premier assassin. ― Je vais retourner trouver le duc de Glocester, et lui conter cela.

Second assassin. ― Non, je te prie : arrête un moment. J’espère que cet accès de dévotion me passera ; il n’a pas coutume de me tenir plus de temps qu’un homme n’en mettrait à compter vingt.

premier assassin. ― Eh bien, comment te sens-tu maintenant ?

Second assassin. ― Ma foi, je sens encore en moi quelque résidu de conscience.

premier assassin. ― Songe à notre récompense quand l’action sera faite.

Second assassin. ― Allons, il va mourir : j’avais oublié la récompense.

premier assassin. ― Où est ta conscience à présent ?

Second assassin. ― Dans la bourse du duc de Glocester.

premier assassin. ― Ainsi dès que sa bourse s’ouvrira pour nous donner notre salaire, voilà ta conscience partie.

Second assassin. ― Cela m’est bien égal.― Qu’elle s’en aille ; elle ne trouvera pas beaucoup de gens, ou même pas du tout, qui veuillent l’héberger.

premier assassin. ― Mais si elle allait te revenir ?

Second assassin. ― Je n’irai pas me commettre avec elle : c’est une dangereuse espèce. Elle vous fait d’un homme un poltron : on ne peut pas voler qu’elle ne vous accuse ; on ne peut pas jurer qu’elle ne vous gourmande ; on ne peut pas coucher avec la femme du voisin qu’elle ne vous trahisse : c’est un lutin au visage timide et toujours prêt à rougir, qui est sans cesse à se mutiner dans