Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/411

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l’amour n’avait pas de demeure ; il vint se fixer chez lui, et lorsqu’il fut installé dans ce corps si beau, il devint doublement divin.

X. — Ses cheveux brunissants tombaient en boucles ondoyantes, et chaque léger souffle du vent pressait sur ses lèvres leurs masses soyeuses. Ce qui est doux à faire trouve facilement à se faire ; tous les regards étaient charmés en le contemplant, car on retrouvait en petit, sur son visage, ce qui fut jadis abondamment semé dans le paradis.

XI. — La virilité ne paraissait encore guère sur son visage : son duvet de phénix commençait seulement à se montrer, comme du velours encore inégal, sur cette peau incomparable, dont la finesse surpassait le tissu qu’elle semblait porter ; cependant son visage en paraissait encore plus précieux, et la tendre affection hésitait à prononcer s’il était plus beau avec ou sans cette parure.

XII. — Ses qualités égalaient sa beauté, car il avait la langue aussi douce et aussi rapide qu’une jeune fille : et cependant, si les hommes l’irritaient, il devenait furieux comme les ouragans qui se déchaînent entre mai et avril, quand le vent souffle doucement, quoiqu’il puisse revêtir une extrême violence. Sa jeunesse et sa fougue recouvraient ce mensonge de l’orgueil de la vérité.

XIII. — Comme il montait à cheval ! Souvent les hommes disent que le coursier prend son ardeur de son cavalier : impatient de porter le joug, noble dans sa soumission, quels détours, quels bonds, quelles courses, quels arrêts il savait faire ! Ici l’on se demandait si le cheval devenait sa créature, ou s’il se laissait gouverner par son admirable coursier.

XIV. — Mais bientôt la réponse était trouvée ; sa grâce naturelle donnait de la vie et du charme à tout ce qui lui appartenait et aux ornements : il était accompli en tout par lui-même, et n’avait pas besoin d’une parure extérieure : tout ce qu’il ajoutait à sa beauté devenait plus beau en étant près de lui ; les objets les plus élégants n’ajoutaient pas à sa grâce, mais acquéraient de la grâce en l’approchant.

XV. — Sa langue pleine d’autorité savait faire usage de toute espèce d’arguments et de questions profondes, de promptes répliques et de raisonnements puissants ; il savait les faire naître et les assoupir ; il savait faire rire les cœurs tristes et faire pleurer les esprits joyeux ; il avait les talents divers et l’habileté de savoir parler à toutes les passions dans son adroite volonté.