lis ; ni loué le sombre vermillon de la rose ;
tout cela n’était que des douceurs, des joies figurées, copiées sur
vous, vous modèle de toutes les beautés. Je me croyais encore en hiver,
dérobé ton doux parfum, si ce n’est au souffle de mon amour ? Tu as trop
vivement coloré dans ses veines l’orgueil qui rougit ta douce joue. Je
reprochais au lis d’avoir emprunté ta main, et aux boutons de marjolaine
d’avoir volé tes cheveux ; les roses tremblaient sur les épines, l’une
rouge de honte, l’autre blanche de désespoir ; une troisième, ni rouge ni
blanche, avait pris un peu des deux autres, et à son larcin elle avait
ajouté ton souffle embaumé ; mais pour la punir, dans l’orgueil de toute
sa beauté, une chenille envieuse la dévorait. J’ai vu beaucoup d’autres
fleurs, mais je n’en ai pas vu une seule qui ne t’eût dérobé son parfum
te donne toute ta puissance ? Dépenses-tu ta vigueur pour quelque sujet
indigne, et diminues-tu ta force, en la prêtant à quelque chant frivole
et vil ? Reviens, muse oublieuse, et répare bien vite par de doux accents
un passé si mal employé ; chante pour l’oreille qui estime tes vers et
qui donne à ta plume du talent et de la puissance. Lève-toi, muse
oisive, et regarde si le Temps a gravé quelque ride sur le doux visage
de mon bien-aimé. S’il y en a une seule, fais la satire de la décadence,
fais mépriser partout les ravages du temps. Donne à mon amour une
renommée plus prompte que le Temps n’use la vie ; tu pourras ainsi
vérité retrempée dans la beauté ? La vérité et la beauté dépendent toutes
deux de mon amour, et tu fais comme elles ; tu trouves là ta dignité.
Réponds, muse, ne diras-tu pas par hasard : « La vérité n’a pas besoin
qu’une autre couleur s’ajoute à sa couleur, la beauté n’a pas besoin
d’un crayon