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ACTE V, SCÈNE I.

potence fait bien là. Mais comment fait-elle bien ? Elle fait bien pour ceux qui font mal. Et toi, tu fais mal de dire qu’une potence est bâtie plus solidement qu’une église. Ergo, la potence ferait bien pour toi. Recommence, allons.

second paysan. — Qui est-ce qui bâtit plus solidement que le maçon, et l’ouvrier de marine, et le charpentier ?

premier paysan. — Oui, dis-moi cela et dételle ensuite.

second paysan. — Pardieu, oui, maintenant je peux le dire.

premier paysan. — Allons !

second paysan. — Par la sainte messe ! je ne puis point le dire.

(Hamlet et Horatio entrent et restent à quelque distance.)

premier paysan. — Ne te romps point la cervelle davantage à propos de cela, car ton fainéant d’âne ne corrigera point son allure pour avoir été battu ; et quand on te posera cette question une autre fois, réponds : le fossoyeur. Les maisons qu’il fait durent jusqu’au jugement dernier. Allons, va-t’en chez Yaughan, et apporte-moi un pot de liqueur.

(Le second paysan sort. Le premier paysan se met à bêcher en chantant.)

Dans ma jeunesse, quand j’aimais, quand j’aimais, il me semblait que c’était très-doux, pour abréger… hop !… le temps. Quant à… holà !… mes convenances… hop !… il me semblait que rien ne m’allait plus [1].

  1. Les trois stances que le fossoyeur chante, en les coupant par une exclamation à chaque effort qu’il fait pour bêcher, sont des fragments d’une romance écrite par lord Vaux. La première stance est, dans le texte de Shakspeare, absolument informe et décousue. Quiconque a entendu un paysan chanter une chanson des villes, sait bien à quel point, en passant de bouche en bouche, les mots se brouillent et le sens se perd. Voici la traduction complète de la romance même de lord Vaux :
    L’Amoureux vieilli renonce à l’amour.

    « Je romps avec ce que j’aimais, avec ce qui me paraissait doux en mes jours de jeunesse ; le temps me rappelle à d’autres convenances ; ces choses-là, je le vois, ne me vont plus. Mes souplesses m’abandonnent, mes fantaisies se sont toutes envolées,