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HAMLET. — ACTE V, SCÈNE II.

vous vous rencontrez si juste à point à ce sanglant aspect, vous, venus des guerres de Pologne, vous, venus d’Angleterre, donnez ordre que ces corps soient exposés aux regards sur une haute estrade, et laissez-moi raconter, au monde qui l’ignore, comment les choses en sont venues là ; alors vous entendrez parler d’actions impudiques, sanguinaires et dénaturées, de jugements rendus par le hasard, de meurtres fortuits, de morts accomplies par la fourbe ou par une force majeure, et, quant à ce dernier acte, de projets qui, par méprise, sont retombés sur la tête de leurs auteurs. C’est là ce que je puis fidèlement raconter.

fortinbras. — Hâtons-nous de l’entendre, et convoquons l’élite de la noblesse à cette assemblée ; pour moi, c’est avec douleur que j’accepte ma fortune : j’ai sur ce royaume des droits dont on se souvient et que mon intérêt m’invite maintenant à réclamer.

horatio. — J’ai aussi mission de parler sur ce point, et de la part d’une bouche dont la voix en entraînera d’autres ; mais accomplissons sur-le-champ ce projet, pendant que les esprits sont encore agités, de peur que, par complots ou par méprises, il n’arrive de nouveaux malheurs.

fortinbras. — Que quatre de mes capitaines portent Hamlet, comme un soldat, vers l’estrade, car il donnait à croire que s’il était monté sur le trône, il se serait montré vraiment roi ; que, sur son passage, la musique militaire et tous les honneurs de la guerre parlent hautement de lui. Emportez ces corps ; un tel spectacle convient aux champs de bataille, mais il fait mal ici. Allez, et ordonnez aux soldats de faire feu.

(Marche funèbre. — Ils sortent, portant les corps ; puis l’on entend une décharge d’artillerie.)
FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.