et de Milan, quel horrible poisson aura fait de toi son repas ?
Seigneur, il se peut que votre fils soit vivant. Je l’ai vu frapper sous lui les vagues et avancer sur leur dos : il faisait route à travers les eaux, rejetant des deux côtés les ondes en furie, et opposant sa poitrine aux vagues gonflées qui venaient à sa rencontre ; il élevait sa tête audacieuse au-dessus des flots en tumulte, et de ses bras robustes ramait à coups vigoureux vers le rivage, qui, courbé sur sa base minée par les eaux, semblait s’incliner pour lui porter secours. Je ne doute point qu’il ne soit arrivé vivant à terre.
Non, non, il a quitté ce monde.
Seigneur, c’est vous-même que vous devez remercier de cette grande perte, vous qui n’avez pas voulu faire de votre fille le bonheur de notre Europe, mais qui avez mieux aimé la sacrifier à un Africain, et l’avez ainsi pour le moins bannie de vos yeux, qui ont bien sujet de mouiller de larmes un tel regret.
Je t’en prie, laisse-moi en paix.
Nous nous sommes tous mis à vos genoux, nous vous avons importuné de toutes les manières ; et cette fille charmante elle-même balança entre son aversion et l’obéissance, après quoi elle finit par plier la tête au joug. Nous avons, je le crains bien, perdu votre fils pour toujours : Naples et Milan vont avoir, par suite de cette affaire, plus de veuves que nous ne ramenons d’hommes pour les consoler : la faute en est à vous seul.
Et aussi la perte la plus chère.
Mon seigneur Sébastien, ces vérités manquent un peu de douceur et d’un temps propre à les dire. Vous écorchez la plaie, lorsque vous devriez y mettre un emplâtre.
Fort bien dit.
Et de la manière la plus chirurgicale.
Mon bon seigneur, il fait mauvais temps pour nous dès que votre front se couvre de nuages.