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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/334

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LA TEMPÊTE.

reille d’un monstre, de faire trembler la terre : sûrement c’étaient les rugissements d’un troupeau de lions.

Alonzo.

L’avez-vous entendu, Gonzalo ?

Gonzalo.

Sur mon honneur, seigneur, j’ai ouï un murmure, un étrange murmure qui m’a réveillé. Je vous ai poussé, seigneur, et j’ai crié. Quand mes yeux se sont ouverts, j’ai vu leurs épées nues. Un bruit s’est fait entendre, c’est la vérité : il sera bon de nous tenir sur nos gardes ; ou plutôt quittons ce lieu ; tirons nos épées.

Alonzo.

Partons d’ici, et continuons à chercher mon pauvre fils.

Gonzalo.

Que le ciel le garde de ces monstres, car sûrement il est dans cette île !

Alonzo.

Partons.

Ariel, à part.

Prospero, mon maître, saura ce que je viens de faire : maintenant, roi, tu peux aller sans danger à la recherche de ton fils.

(Ils sortent.)



Scène II

(Une autre partie de l’île. On entend le bruit du tonnerre.)
CALIBAN entre avec une charge de bois.
Caliban.

Que tous les venins que le soleil pompe des eaux croupies, des marais et des fondrières retombent sur Prospero, et ne laissent pas sans souffrance un pouce de son corps ! Ses esprits m’entendent, et pourtant il faut que je le maudisse. D’ailleurs ils ne viendront pas sans son ordre me pincer, m’effrayer de leurs figures de lutins, me tremper dans la mare, ou, luisants comme des brandons de feu, m’égarer la nuit loin de ma route : mais pour chaque vétille il les lâche sur moi ; tantôt en forme de singes qui me font la moue, me grincent des dents, et me mordent ensuite ; tantôt ce sont des hérissons qui viennent se rouler sur le chemin où je marche pieds nus, et dressent leurs piquants au moment où je pose mon pied. Quelquefois je me sens enlacé par des