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CORIOLAN.

le messager.—Les habitants de Corioles ont fait une sortie et livré bataille à Lartius et Marcius. J’ai vu nos troupes repoussées jusque dans les tranchées et aussitôt je suis parti.

cominius.—Quoique tu dises la vérité, je crois, tu ne parles pas bien. Combien y a-t-il que tu es parti ?

le messager.—Plus d’une heure, seigneur.

cominius.—Quoi ! il n’y a pas un mille de distance. À l’instant nous entendions encore leur tambour. Comment as-tu pu mettre une heure à parcourir un mille, et m’apporter des nouvelles si tardives ?

le messager.—Les espions des Volsques m’ont donné la chasse, et j’ai été forcé de faire un détour de trois ou quatre milles : sans quoi, seigneur, je vous aurais apporté cette nouvelle une demie-heure plus tôt.

(Marcius arrive.)

cominius.—Quel est ce guerrier là-bas, qui a l’air d’avoir été écorché tout vif. Ô Dieu ! il a bien le port de Marcius ; ce n’est pas la première fois que je l’ai vu dans cet état !

marcius.—Suis-je venu trop tard ?

cominius.—Le berger ne distingue pas mieux le tonnerre du son d’un tambourin, que moi la voix de Marcius de celle de tout homme.

marcius.—Suis-je venu trop tard ?

cominius.—Oui, si vous ne revenez pas couvert du sang des ennemis, mais baigné dans votre propre sang.

marcius.—Oh ! laissez-moi vous embrasser avec des bras aussi robustes que lorsque je faisais la cour à ma femme, et avec un cœur aussi joyeux qu’à la fin de mes noces, lorsque les flambeaux de l’hymen me guidèrent à la couche nuptiale.

cominius.—Fleur des guerriers, que fait Titus Lartius ?

marcius.—Il est occupé à porter des décrets : il condamne les uns à mort, les autres à l’exil ; rançonne celui-ci, fait grâce à celui-là ou le menace : il régit Corioles au nom de Rome, et la gouverne comme un docile lévrier caressant la main qui le tient en lesse.

cominius.—Où est ce malheureux qui est venu m’an-