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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/435

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ACTE III, SCÈNE I.

coriolan.—Mon désir serait d’avoir une occasion d’aller l’y chercher, et de m’exposer en face à sa haine.—Soyez le bienvenu ! (Sicinius et Brutus paraissent.) Voyez : voilà les tribuns du peuple, les langues de la bouche commune. Je les méprise ; car ils se targuent de leur autorité d’une façon qui fait souffrir tous les hommes de cœur.

sicinius, à Coriolan.—N’allez pas plus loin.

coriolan, surpris.—Comment ! —Qu’est-ce donc ?

brutus.—Il est dangereux pour vous d’avancer.—Arrêtez.

coriolan.—D’où vient ce changement ?

ménénius.—La cause ?

cominius.—N’a-t-il pas passé par les suffrages des chevaliers et du peuple ?

brutus.—Non, Cominius.

coriolan.—Sont-ce des enfants qui m’ont donné leurs voix ?

un sénateur.—Tribuns, laissez-le passer : il va se rendre à la place publique.

brutus.—Le peuple est irrité contre lui.

sicinius.—Arrêtez, ou le désordre va s’accroître.

coriolan.—Voilà donc le troupeau que vous conduisez ? Méritent-ils d’avoir une voix, ceux qui la donnent et la retirent l’instant d’après ? À quoi bon vos offices ? Vous qui êtes leur bouche, que ne réprimez-vous leurs dents ? N’est-ce pas vous qui avez allumé leur fureur ?

ménénius.—Calmez-vous, calmez-vous.

coriolan.—C’est un dessein prémédité, un complot formé de brider la volonté de la noblesse. Souffrez-le, si vous le pouvez, et vivez avec une populace qui ne peut commander, et ne voudra jamais obéir.

brutus.—Ne traitez pas cela de complot. Le peuple se plaint hautement que vous vous êtes moqué de lui : il se plaint que dernièrement, lorsqu’on lui a fait une distribution gratuite de blé, vous en avez marqué votre mécontentement ; que vous avez injurié ceux qui plaidaient la cause du peuple ; que vous les avez appelés de lâches complaisants, des flatteurs, des ennemis de la noblesse.