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ACTE IV, SCÈNE VI.

lui ? C’est vous qui avez infecté l’air d’une nuée de vos sales bonnets, en demandant, avec des huées, l’exil de Coriolan. Le voilà maintenant qui revient à la tête d’une armée furieuse, et chaque cheveu de ses soldats sera un fouet pour vous ; autant vous êtes d’impertinents qui avez jeté vos chapeaux en l’air, autant il en foulera aux pieds pour vous payer de vos suffrages. N’importe, s’il ne faisait de vous tous qu’un charbon, vous l’auriez mérité.

tous les citoyens.—Il est vrai ; nous entendons débiter des nouvelles bien effrayantes.

premier citoyen.—Pour moi, quand j’ai crié : Bannissez-le ! j’ai dit aussi que c’était bien dommage.

second citoyen.—Et moi aussi, je l’ai dit.

troisième citoyen.—J’ai dit la même chose ; et, il faut l’avouer, c’est ce qu’a dit le plus grand nombre d’entre nous : ce que nous avons fait, nous l’avons fait pour le mieux ; et, quoique nous ayons volontiers consenti à son exil, ce fut cependant contre notre volonté.

cominius.—Oh ! vous êtes de braves gens : criards !

ménénius.—Vous avez fait là un joli coup, vous et vos aboyeurs ! (À Cominius.) Nous rendrons-nous au Capitole ?

cominius.—Sans doute. Et que faire autre chose ?

(Ils sortent.)

sicinius, au peuple.—Allez, bons citoyens ; rentrez dans vos maisons : ne prenez point l’épouvante. Ces deux hommes sont d’un parti qui serait bien joyeux que ces nouvelles fussent vraies, tout en feignant le contraire. Retirez-vous, et ne montrez point d’alarme.

premier citoyen.—Que les dieux nous soient propices ! Allons, concitoyens, retirons-nous.—Je l’ai toujours dit, moi, que nous avions tort de le bannir.

second citoyen.—Et nous avons tous dit la même chose : mais venez, rentrons.

(Ils sortent.)

brutus.—Je n’aime point cette nouvelle.

sicinius.—Ni moi.

brutus.—Allons au Capitole. Je voudrais pour la moitié