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ACTE IV, SCÈNE IX.

Antoine.

Mon rossignol, nous les avons repoussés jusque dans leurs lits. Eh bien ! ma fille, malgré ces cheveux gris, qui viennent se mêler à ma brune chevelure, nous avons un cerveau qui nourrit nos nerfs, et peut arriver au but aussi bien que la jeunesse. — Regarde ce soldat, présente à ses lèvres ta gracieuse main ; baise-la, mon guerrier. — Il a combattu aujourd’hui, comme si un dieu, ennemi de l’espèce humaine, avait emprunté sa forme pour la détruire.

Cléopâtre.

Ami, je veux te faire présent d’une armure d’or ; c’était l’armure d’un roi.

Antoine.

Il l’a méritée, fût-elle tout étincelante de rubis comme le char sacré d’Apollon. — Donne-moi ta main ; traversons Alexandrie dans une marche triomphante ; portons devant nous nos boucliers, hachés comme leurs maîtres. Si notre grand palais était assez vaste pour contenir toute cette armée, nous souperions tous ensemble, et nous boirions à la ronde au succès de demain, qui nous promet des dangers dignes des rois. Trompettes, assourdissez la ville avec le bruit de vos instruments d’airain, mêlé aux roulements de nos tambourins ; que le ciel et la terre confondent leurs sons pour applaudir à notre retour.



Scène IX

Le camp de César.
Sentinelles à leur poste ; entre ÉNOBARBUS.
Premier soldat.

Si dans une heure nous ne sommes pas relevés, il nous faut retourner au corps de garde. La nuit est étoilée ; et l’on dit que nous serons rangés en bataille vers la seconde heure du matin.

Second soldat.

Cette dernière journée a été cruelle pour nous.

Énobarbus.

Ô nuit ! sois-moi témoin…

Second soldat.

Quel est cet homme ?

Premier soldat.

Ne bougeons pas, et prêtons l’oreille.