Ô grande reine !
Ô Cléopâtre ! tu es prise, reine.
Vite, vite, ô ma main !
- (Elle tire un poignard.)
Arrêtez, grande reine, arrêtez, n’exercez pas sur vous cette fureur ; je ne veux que vous secourir, et non vous trahir.
Quoi ! on veut me priver même de la mort qui empêche les chiens de languir ?
Cléopâtre, ne trompez pas la générosité de mon maître, en vous détruisant vous-même ; que l’univers voie éclater sa grandeur d’âme ; votre mort l’empêcherait à jamais.
Ô mort, où es-tu ? Viens à moi, viens ; oh ! viens, et frappe une reine qui vaut bien des enfants et des mendiants.
Calmez-vous, madame.
Seigneur, je ne prendrai aucune nourriture, je ne boirai pas, seigneur ; et s’il faut perdre ici le temps à déclarer mes résolutions, je ne dormirai pas non plus. César a beau faire, je saurai détruire cette prison mortelle. Sachez, seigneur, qu’on ne me verra jamais traînant des fers à la cour de votre maître, ni insultée par les calmes regards de la fade Octavie… Me paradera-t-on pour me donner en spectacle à la valetaille de Rome, et pour essuyer ses sarcasmes et ses anathèmes ? Plutôt chercher un paisible tombeau dans quelque fossé de l’Égypte ! plutôt mourir toute nue sur la fange du Nil ! plutôt devenir la proie des insectes et un objet d’horreur ! plutôt prendre pour gibet les hautes Pyramides de mon pays et m’y faire suspendre par des chaînes !
Vous portez ces pensées d’horreur plus loin que César ne vous en donnera de raisons.
- (Entre Dolabella.)
Proculéius, César, ton maître, sait ce que tu as fait, et il t’envoie chercher. Je prends la reine sous ma garde.
Volontiers, Dolabella, j’en suis bien aise, traitez-la avec douceur. — Madame, si vous daignez vous