Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/225

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écossais nommé Donwald. Voici les circonstances de ce meurtre telles que les rapporte la chronique.

Duffe s’était montré, dès le commencement de son règne, très-occupé de protéger le peuple contre les malfaiteurs et « personnes oisives qui ne voulaient vivre que sur les biens des autres. » Il en fit exécuter plusieurs, força les autres à se retirer en Irlande ou bien à apprendre quelque métier pour vivre. Bien qu’ils ne tinssent, à ce qu’il paraît, à la haute noblesse d’Écosse que par des degrés assez éloignés, les nobles, dit la chronique, furent très-offensés de « cette extrême rigueur, regardant comme un déshonneur, pour des gens descendus de noble parentage, d’être contraints de gagner leur vie par le travail de leurs mains, ce qui n’appartient qu’aux hommes de la glèbe et autres de la basse classe, nés pour travailler à nourrir la noblesse et pour obéir à ses ordres. » Le roi fut, en conséquence, regardé par eux comme ennemi des nobles et indigne de les gouverner, étant, disaient-ils, uniquement dévoué aux intérêts du peuple et du clergé, qui faisaient, en ce temps, cause commune contre l’oppression des grands seigneurs. Le mécontentement s’accroissant tous les jours, il s’éleva plusieurs révoltes, dans l’une desquelles entrèrent quelques jeunes gentilshommes, parents de Donwald, lieutenant pour le roi du château de Fores. Ces jeunes gens furent pris, et Donwald, qui jusqu’alors avait servi fidèlement et utilement le roi, se flatta d’obtenir leur grâce ; mais n’ayant pu y parvenir, il en conçut un violent ressentiment. Sa femme, que des causes pareilles irritaient contre le roi, n’épargna rien pour l’aigrir et lui fit comprendre combien il lui serait facile de se venger lorsque Duffe viendrait, comme cela lui arrivait souvent, loger à Fores, sans autre garde que la garnison du château, qui était entièrement à leur dévotion, et elle lui en indiqua tous les moyens.

Duffe étant venu peu de temps après à Fores, la veille de son départ, lorsqu’il se fut couché après avoir prié Dieu beaucoup plus tard qu’à l’ordinaire, Donwald et sa femme se mirent à table avec les deux chambellans, dont ils avaient préparé avec soin « l’arrière-souper ou collation, » et les enivrèrent si bien qu’ils les firent tomber dans un sommeil léthargique. Alors Donwald, « quoique dans son cœur il abhorrât cette action, » excité par sa femme, appela quatre de ses domestiques instruits de son projet, et qu’il avait séduits par des présents. Ils entrèrent dans la chambre de Duffe, le tuèrent, emportèrent son corps hors du château par une poterne, et, le mettant sur un cheval préparé à cet effet, le transportèrent à deux milles de là, près d’une petite rivière qu’ils détournèrent avec l’aide de quelques paysans ;