Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/320

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is ici elle consiste dans le grave récit des douleurs d’un père à qui la constance de ses regrets va coûter la vie.

Peut-être devons-nous être fâchés que Shakspeare n’ait pas conservé le personnage du parasite de Plaute ; mais Shakspeare ne connaissait tout au plus Plaute que par une traduction anglaise, et son génie indépendant et capricieux ne pouvait s’astreindre à imiter servilement un modèle. Comme Regnard, de nos jours, il a su introduire dans le cadre de l’auteur latin la peinture de son siècle, en conservant des noms classiques à ses personnages. Il serait plutôt à désirer que, moins entraîné par le vice de son sujet, il eût évité l’écueil des trivialités et quelques plaisanteries grossières, qui cependant sont toujours empreintes de ce cachet d’originalité dont Shakspeare marque ses défauts comme ses beautés.

L’aventure de Dromio avec la Maritome d’Antipholus de Syracuse rappelle naturellement les scènes si comiques de Cléanthis et de Sosie dans Amphitryon.

Le reproche de liberté, adressé par quelques critiques à Molière, qui cependant écrivait pour une cour jalouse des convenances jusqu’à la pruderie, prouve combien il était difficile de conserver le décorum dans un sujet aussi épineux ; et Shakspeare, favori de la cour, était encore plus le poëte du peuple.

Si cette comédie, moins intéressante par la peinture des caractères que par la variété des surprises où conduit la ressemblance des jumeaux, est inférieure aux autres comédies de Shakspeare, il faut autant l’attribuer au vice du sujet qu’à la jeunesse de l’auteur ; car ce fut une de ses premières pièces. Plusieurs critiques ont même prétendu qu’elle n’avait été que retouchée par lui. Mais il suffirait, pour y reconnaître Shakspeare, de quelques traits de morale qui attestent sa profonde connaissance du cœur humain. Avec quelle adresse l’abbesse qu’Adriana va consulter arrache à sa jalousie l’aveu de ses torts ! quels sages avis pour toutes les femmes !

Selon Malone, cette comédie aurait été écrite en 1593 ; et selon Chalmers, en 159l.—La traduction anglaise des Ménechmes de Plaute, par W. Warner, ne fut imprimée qu’en 1595 ; mais dans Hall et Hollingshed il est fait mention d’une jolie comédie de Plaute, qu’on dit avoir été jouée dès l’an 1520, et quelques-uns prétendent que c’étaient les Ménechmes.

En Allemagne, ce sujet a été traité aussi dès l’origine du théâtre ; mais c’est surtout en Italie que ce canevas a été souvent employé.

Nous citerons parmi les imitations françaises celles de Rotrou et de Regnard.