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JULES CÉSAR.

songes et les présages tirés des sacrifices[1]. Il se pourrait que ces prodiges si marquants, les terreurs inaccoutumées de cette nuit, et les sollicitations de ses augures le retinssent aujourd’hui loin du Capitole.

décius. — Ne le craignez pas. Si telle est sa résolution, je me charge de la surmonter ; car il aime à entendre répéter qu’on prend les licornes avec des arbres[2], les ours avec des miroirs, les éléphants dans des fosses, les lions avec des filets, et les hommes avec des flatteries : mais quand je lui dis que lui il hait les flatteurs, il me répond que cela est vrai ; et c’est alors qu’il est le plus flatté. Laissez-moi faire ; je sais tourner son humeur comme il me convient, et je le mènerai au Capitole.

cassius. — Nous irons tous chez lui le chercher.

brutus. — À la huitième heure. Est-ce là notre dernier mot ?

cinna. — Que ce soit le dernier mot, et n’y manquons pas.

métellus cimber. — Caïus Ligarius veut du mal à César, qui l’a maltraité pour avoir bien parlé de Pompée. Je m’étonne qu’aucun de vous n’ait songé à lui.

brutus. — Allez donc, cher Métellus, allez le trouver. Il m’aime beaucoup, et je lui en ai donné sujet : envoyez-le-moi seulement, et j’en ferai ce que je voudrai.

cassius. — Le jour va nous atteindre. Nous allons vous quitter, Brutus et vous, amis, dispersez-vous : mais souvenez-vous tous de ce que vous avez dit, et montrez-vous de vrais Romains.

brutus. — Mes bons amis[3], prenez un visage riant et serein. Que nos regards ne manifestent pas nos des-

  1. Dans l’anglais, ceremonies. Voltaire a traduit :

    Et l’on dirait qu’il croit à la religion.

  2. En se plaçant devant un arbre derrière lequel on se retire au moment où l’animal veut vous percer de sa corne, qui de cette manière s’enfonce dans l’arbre, et laisse la licorne à la merci du chasseur. Spencer, en plusieurs endroits, fait allusion à cette fable.
  3. Good gentlemen. Voltaire traduit mes braves gentilshommes, et met en note qu’il a traduit fidèlement il se trompe. Tout le