car l’insensé ne soupe pas ce soir-là. – (On entend de la musique dans l’intérieur). Il faut suivre ceux qui conduisent.
BÉNÉDICK. — Dans toutes les choses bonnes à suivre.
BÉATRICE. — D’accord. Si l’on me conduit vers quelque mauvais pas, je les quitte au premier détour.
(Danse. Tous sortent ensuite excepté don Juan, Borachio et Claudio.)
DON JUAN. — Sûrement mon frère est amoureux d’Héro ; je l’ai vu tirant le père à l’écart pour lui en faire l’ouverture. Les dames la suivent, et il ne reste qu’un seul masque.
BORACHIO. — Et ce masque est Claudio, je le reconnais à sa démarche.
DON JUAN. — Seriez-vous le seigneur Bénédick ?
CLAUDIO. — Vous ne vous trompez point, c’est moi.
DON JUAN. — Seigneur, vous êtes fort avancé dans les bonnes grâces de mon frère ; il est épris de Héro. Je vous prie de le dissuader de cette idée. Héro n’est point d’une naissance égale à la sienne. Vous pouvez jouer en ceci le rôle d’un honnête homme.
CLAUDIO. — Comment savez-vous qu’il l’aime ?
DON JUAN. — Je l’ai entendu lui jurer son amour.
BORACHIO. — Et moi aussi ; il lui jurait de l’épouser cette nuit.
DON JUAN, bas à Borachio. — Viens ; allons au banquet.
(Don Juan et Borachio se retirent.)
CLAUDIO seul. — Je réponds ainsi sous le nom de Bénédick ; mais c’est de l’oreille de Claudio que j’entends ces fatales nouvelles ! Rien n’est plus certain. Le prince fait la cour pour son propre compte. Dans toutes les affaires humaines, l’amitié se montre fidèle, hormis dans les affaires d’amour ; que tous les cœurs amoureux se servent de leur propre langue ; que l’œil négocie seul pour lui-même, et ne se fie à aucun agent. La beauté est une enchanteresse, et la bonne foi qui s’expose à ses charmes se dissout en sang[1]. C’est une vérité dont la preuve s’offre
- ↑ Allusion aux figures de cire des sorcières. Une ancienne superstition leur attribuait aussi le pouvoir de changer l’eau et le vin en sang.