Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/433

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CLAUDIO. — Seigneur, je vous suivrai jusque-là, si vous daignez me le permettre.

DON PÈDRE. — Non, ce serait bien grande honte au début de votre mariage que de montrer à une enfant son habit neuf en lui défendant de le porter. Je ne veux prendre cette liberté qu’avec Bénédick, dont je réclame la compagnie. Depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête, il est tout enjouement. Il a deux ou trois fois brisé la corde de l’Amour, et le petit fripon n’ose plus s’attaquer à lui. Son cœur est vide comme une cloche, dont sa langue est le battant[1] ; car ce que son cœur pense, sa langue le raconte.

BÉNÉDICK. — Messieurs, je ne suis plus ce que j’étais.

LÉONATO. — C’est ce que je disais ; vous me paraissez plus sérieux.

CLAUDIO. — Je crois qu’il est amoureux.

DON PÈDRE. — Au diable le novice ! Il n’y a pas en lui une goutte d’honnête sang qui soit susceptible d’être honnêtement touchée par l’amour. S’il est triste, c’est qu’il manque d’argent.

BÉNÉDICK. — J’ai mal aux dents.

DON PÈDRE. — Arrachez votre dent.

BÉNÉDICK. — Qu’elle aille se faire pendre.

CLAUDIO. — Pendez-la d’abord, et arrachez-la ensuite[2].

DON PÈDRE. — Quoi ! soupirer ainsi pour un mal de dents ?

LÉONATO. — Qui n’est qu’une humeur ou un ver.

BÉNÉDICK. — Soit. Tout le monde peut maîtriser le mal, excepté celui qui souffre.

CLAUDIO. — Je répète qu’il est amoureux.

DON PÈDRE. — Il n’y a en lui aucune apparence de caprice[3], à moins que ce soit le caprice qu’il a pour les costumes étrangers ; comme d’être aujourd’hui un Hollandais,

  1. Allusion à un ancien proverbe
    As the sound thinks, so the bell clinks.
    Ce que le son pense, la cloche le chante.
  2. Hang it ! you must hang it first and draw it afterwards.
  3. Fanty, amour, imagination.