Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/457

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BÉATRICE. — Ne jurez point par votre épée, avalez-la.

BÉNÉDICK. — Je jure par elle que vous m’aimez, et je la ferai avaler tout entière à qui dira que je ne vous aime point.

BÉATRICE. — Ne voulez-vous point avaler votre parole ?

BÉNÉDICK. — Jamais, quelque sauce qu’on puisse inventer ! Je proteste que je vous aime.

BÉATRICE. — Eh bien ! alors, Dieu me pardonne…

BÉNÉDICK. — Quelle offense, chère Béatrice ?

BÉATRICE. — Vous m’avez arrêtée au bon moment ; j’étais sur le point de protester que je vous aime.

BÉNÉDICK. — Ah ! faites cet aveu de tout votre cœur.

BÉATRICE. — Je vous aime tellement de tout mon cœur qu’il n’en reste rien pour protester.

BÉNÉDICK. — Voyons, ordonnez-moi de faire quelque chose pour vous.

BÉATRICE. — Tuez Claudio.

BÉNÉDICK. — Ah ! – Pas pour le monde entier.

BÉATRICE. — Vous me tuez par ce refus ; adieu.

BÉNÉDICK. — Arrêtez, chère Béatrice.

BÉATRICE. — Je suis déjà partie quoique je sois encore ici. – Vous n’avez pas d’amour. – Non, je vous prie, laissez-moi aller.

BÉNÉDICK. — Béatrice !

BÉATRICE. — Décidément, je veux m’en aller.

BÉNÉDICK. — Il faut que nous soyons amis auparavant.

BÉATRICE. — Vous osez plus facilement être mon ami que combattre mon ennemi ?

BÉNÉDICK. — Claudio est-il votre ennemi ?

BÉATRICE. — N’est-il pas devenu le plus lâche des scélérats, celui qui a calomnié, insulté, déshonoré ma parente ? Oh ! si j’étais un homme ! – Quoi ! la mener par la main jusqu’au moment où leurs deux mains allaient s’unir ; et alors, par une accusation publique, par une calomnie déclarée, avec une rage effrénée, la… Dieu, si j’étais un homme ! Je voudrais lui manger le cœur sur la place du marché.

BÉNÉDICK. — Écoutez-moi, Béatrice.