Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/478

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ANTONIO. — Je le ferai, d’un visage assuré.

BÉNÉDICK. — Mon père, je crois que j’aurai besoin d’implorer votre ministère.

LE MOINE. — Pour quel service, seigneur ?

BÉNÉDICK. — Pour m’enchaîner ou me perdre, l’un ou l’autre. – Seigneur Léonato, c’est la vérité, digne seigneur, que votre nièce me regarde d’un œil favorable.

LÉONATO. — C’est ma fille qui lui a prêté ces yeux-là, rien n’est plus vrai.

BÉNÉDICK. — Et moi, en retour, je la vois des yeux de l’amour.

LÉONATO. — Vous tenez, je crois, ces yeux de moi, de Claudio et du prince : mais quelle est votre volonté ?

BÉNÉDICK. — Votre réponse, seigneur, est énigmatique ; mais pour ma volonté, – ma volonté est que votre bonne volonté daigne s’accorder avec la nôtre, – pour nous unir aujourd’hui dans le saint état du mariage… Voilà pourquoi, bon religieux, je réclame votre secours.

LÉONATO. — Mon cœur est d’accord avec votre désir.

LE MOINE. — Et je suis prêt à vous accorder mon secours. – Voici le prince et Claudio.

(Entrent don Pèdre et Claudio avec leur suite.)

DON PÈDRE. — Salut à cette belle assemblée !

LÉONATO. — Salut, prince ; salut, Claudio. Nous vous attendons ici. (À Claudio.) Êtes-vous toujours déterminé à épouser aujourd’hui la fille de mon frère ?

CLAUDIO. — Je persévère dans mon engagement, fût-elle une Éthiopienne.

LÉONATO, à son frère. — Appelez-la, mon frère : voici le religieux tout prêt.

(Antonio sort.)

DON PÈDRE. — Ah ! bonjour, Bénédick. Quoi ! qu’y a-t-il donc pour que vous ayez aussi un visage du mois de février si glacé, si nébuleux, si sombre ?

CLAUDIO. — Je crois qu’il rêve au buffle sauvage. Allons, rassurez-vous, mon garçon, nous dorerons vos cornes, et toute l’Europe sera enchantée de vous voir, comme jadis Europe fut enchantée du puissant Jupiter, quand il voulut faire en amour le rôle du noble animal.