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JULES CÉSAR.

de préparer le logement de leurs troupes pour cette nuit.

cassius. — Revenez ensmte sur-le-champ tous les deux, et amenez avec vous Messala.

(Lucilius et Titinius sortent.)

brutus. — Lucius, une coupe de vin.

cassius. — Je n’aurais pas cru que vous fussiez capable de tant de colère.

brutus. — Ô Cassius, je suis accablé de bien des chagrins.

cassius. — Vous ne faites pas usage de votre philosophie, si vous laissez votre âme ouverte aux maux accidentels.

brutus. — Nul homme ne supporte mieux la douleur. Porcia est morte[1].

cassius. — Ah ! Porcia ! —

brutus. — Elle est morte.

cassius. — Comment ne m’avez-vous pas tué quand je vous ai tourmenté ainsi ? Ô perte sensible, insupportable ! — De quelle maladie ?

brutus. — De n’avoir pu soutenir mon absence, et du chagrin de voir grossir à ce point les forces de Marc-Antoine et du jeune Octave ; car j’ai reçu cette nouvelle avec celle de sa mort : sa raison en fut altérée ; et dans l’absence de ceux qui la servaient, elle avala du feu.

cassius. — Et elle en est morte ?

brutus. — Elle en est morte.

cassius. — Ô dieux immortels !

(Lucius entre, tenant une coupe et des flambeaux.)

brutus. — Ne me parle plus d’elle. — Donne-moi une

  1. Nicolaüs le Philosophe et Valère Médime placent la mort de Porcia après celle de Brutus, et l’attribuent à la douleur de cette perte « Toutefois, dit Plutarque, on trouve une lettre missive de Brutus à ses amis, par laquelle il se plaint de leur nonchalance d’avoir tenu si peu de compte de sa femme, qu’elle avoit mieux aimé mourir que de languir plus longtemps malade. Ainsi sembleroit-il que ce philosophé n’auroit pas bien cogneu le temps, car l’épistre, au moins si elle est véritablement de Brutus, donne assez à entendre la maladie et l’amour de cette dame, et aussi la manière de sa mort. » Plutarque, Vie de Brutus.