Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/18

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lutte sourde entre l’anglais et le français quand on les met en contact. Rien n’est plus laborieux que de faire coïncider ces deux idiomes. Ils semblent destinés à exprimer des choses opposées. L’un est septentrional, l’autre est méridional. L’un confine aux lieux cimmériens, aux bruyères, aux steppes, aux neiges, aux solitudes froides, aux espaces nocturnes, pleins de silhouettes indéterminées, aux régions blêmes ; l’autre confine aux régions claires. Il y a plus de lune dans celui-ci, et plus de soleil dans celui-là. Sud contre Nord, jour contre nuit, rayon contre spleen. Un nuage flotte toujours dans la phrase anglaise. Ce nuage est une beauté. Il est partout dans Shakespeare. Il faut que la clarté française pénètre ce nuage sans le dissoudre. Quelquefois la traduction doit se dilater. Un certain vague ajoute du trouble à la mélancolie et caractérise le Nord. Hamlet, en particulier, a pour air respirable ce vague. Le lui ôter, le tuerait. Une profonde brume diffuse l’enveloppe. Fixer Hamlet, c’est le sup-