Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/66

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ceux qui te ressemblent que de mourir ainsi violemment : et pour ce, va ! Et étant aux enfers, ne faux de conter à ton frère que tu as occis méchamment, que c’est son fils qui te fait faire ce message, afin que, soulagée par cette mémoire, son ombre s’apaise parmi les esprits bienheureux, et me quitte de cette obligation qui m’étreignait à poursuivre cette vengeance sur mon sang même, puisque c’était par lui que j’avais perdu ce qui me liait à telle consanguinité et alliance. »

» Homme hardi et courageux, et digne d’éternelle louange, qui, s’armant d’une folie cauteleuse, trompa sous telle simplicité les plus sages, fins et rusés ! Conservant non-seulement sa vie des efforts et embûches du tyran, mais, qui plus est, vengeant avec un nouveau genre de punition la mort de son père, plusieurs années après l’exécution : de sorte que, conduisant ses affaires avec telle prudence et effectuant ses desseins avec une si grande hardiesse et constance, il laisse un jugement indécis entre les hommes de bon esprit, lequel est le plus recommandable en lui ou la constance et magnanimité, ou la sagesse en desseignant et accortise en mettant ses desseins au parfait accomplissement de son œuvre de longtemps prémédité.

« Si jamais la vengeance sembla avoir quelque justice, il est hors de doute que la piété et affection qui nous lie à la souvenance de nos pères, poursuivis injustement, est celle qui nous dispense à chercher les moyens de ne laisser impunie une trahison. Où le public est intéressé, le désir de vengeance ne peut porter, tant s’en faut, titre de condamnation, que plutôt il est louable et digne de recommandation et récompense. De ceci font foi les lois athéniennes, érigeant des statues en l’honneur de ceux qui, vengeant le tort et injure faits à la République, mas-