Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/72

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anglais est fondé, comme le théâtre français après l’autre. Et ce qui ajoute encore à l’analogie, c’est que ces deux grandes scènes nationales furent inaugurées, l’une et l’autre, par une œuvre qu’une littérature étrangère avait inspirée. Corneille a pris le Cid à l’Espagnol Guillen de Castro ; Shakespeare a pris Hamlet au Français Belleforest.

Mais, hâtons-nous de le dire, le plagiat des deux poëtes n’est qu’apparent. Rapprochez la pièce de Guillen de Castro de celle de Corneille, et vous reconnaîtrez toute l’originalité de Corneille. Comparez le récit de Belleforest au drame de Shakespeare, et vous proclamerez le génie de Shakespeare.

Examinons un peu les rapports qu’il y a entre le drame et la légende de Belleforest :

Dans la légende, l’oncle d’Amleth, Fengon, tue le père d’Amleth, Horwendille, devient roi par ce meurtre et épouse Géruthe, mère d’Amleth. Dans le drame, l’oncle d’Hamlet, Claudius, tue le père d’Hamlet, devient roi par ce meurtre et épouse Gertrude, mère d’Hamlet. — Dans la légende, Amleth fait vœu de venger son père et contrefait le fou. — Dans le drame, Hamlet fait vœu de venger son père et contrefait le fou. — Dans la légende, Fengon, alarmé pour sa sûreté, ménage, entre Amleth et « une demoiselle qui l’aimait dès l’enfance, » une entrevue où il espère qu’Amleth dévoilera la cause de sa folie. Dans le drame, Claudius, alarmé pour sa sûreté, ménage, entre Hamlet et Ophélia, une entrevue où il espère qu’Hamlet trahira le secret de sa folie. — Dans la légende comme dans le drame, cette première ruse échoue. — Dans la légende, un courtisan suggère à Fengon un second stratagème : il demande qu’Amleth « soit enfermé seul avec sa mère dans une chambre » et il offre de s’y cacher sous quelque « loudier pour ouyr