Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/27

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qu’Énée avait aperçus jadis maniant des armes et domptant des chevaux.

La féerie réalisait encore le paradis voluptueux de Tibulle :

Hic juvenum series teneris immissa puellis
Ludit, et assiduo prælia miscet amor.

Si les mêlées amoureuses avaient là tout leur charme, elles gardaient là aussi tous leurs dangers. Chez les fées, comme chez les hommes, on retrouvait l’amour avec tous ses troubles, toutes ses taquineries, toutes ses alarmes, tous ses désenchantements. Shakespeare n’a rien exagéré, quand, peignant les querelles du roi et de la reine des fées, il nous a montré les sylphes blottis, tout effrayés, dans la coupe des glands. Le lecteur verra plus loin avec quelle acrimonie les deux époux se reprochent leurs infidélités réciproques. — Vous courez après Périgénie, dit l’une. — Tu cours bien après Thésée ! réplique l’autre. Et les voilà qui se séparent furieux.

Le fait est que Titania et Obéron avaient eu déjà plus d’une aventure sur cette terre. Comme autrefois les divinités de l’Olympe, le roi et la reine des fées ne dédaignaient pas de mésallier ici-bas leurs amours, et l’on citait plus d’une créature humaine qui avait été honorée d’un de ces augustes caprices.

S’il faut en croire une chronique du seizième siècle, Obéron avait fait des siennes comme Jupiter : il avait aimé sous le chaume, et, déguisé en berger, avait séduit une jolie paysanne, dont il avait eu un fils qui s’appelait Robin. Le petit Robin était un fort mauvais sujet, et, en cette qualité, il avait reçu de ses camarades le surnom de bon enfant. Un jour, ayant fait quelque fredaine et craignant d’être battu, il résolut de ne pas rentrer chez sa mère. Il courut longtemps à travers champs, et