Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/304

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sa promesse ; et quoique toujours aussi belle, Esclarmonde n’était pourtant, plus la plus belle pucelle du monde.

Les amants expièrent bien vite cette faute. Un orage formidable, qu’on ne peut comparer qu’à la tempête soulevée par Prospero, éclata. Le vaisseau fut brisé contre les écueils d’une île déserte, qui est évidemment du même archipel que celle que Shakespeare découvrit plus tard. Les lames engloutirent le cor et le gobelet magique que Huon avait reçus d’Obéron ; et, de même que Ferdinand, le prince de Guyenne fut obligé de se jeter à la nage ; mais, plus heureux que lui, il aborda sur la plage tenant dans les bras sa Miranda. L’espace me manque pour vous raconter en détail toutes les péripéties qui suivirent. Des corsaires, plus féroces que Caliban, enlevèrent Esclarmonde, qui, placée dans le sérail d’un certain amiral d’Anfalerne, eut toutes les peines imaginables à défendre sa vertu contre les tentations de cet homme jaune. Quant à Huon, déposé nu sur un rivage ignoré, il fut réduit à devenir valet d’un ménétrier et à porter une malle aussi lourde que les bûches de Ferdinand. Heureusement, le talent qu’il avait aux échecs le fit distinguer de l’amiral Yvoirin, oncle d’Esclarmonde, qui finit par le prendre pour champion dans sa querelle avec l’amiral Galafre, ravisseur de ladite Esclarmonde. Armée d’une vieille épée rouillée, dont personne n’avait voulu, et qui se trouvait être une des sœurs de Durandal et de Courtain, Huon commença par pourfendre le propre neveu de Galafre, et attendit de pied ferme le second adversaire qui lui fut opposé dans le champ-clos. Mais à peine ce second combat était-il commencé que Huon vit son ennemi tomber, sans que pourtant il l’eût blessé. Étonné de ce succès trop facile, Huon s’avance vers le vaincu, relève la visière de son casque, et qui reconnaît-il ?… Gérasme ! le bon, le fidèle Gérasme ! Gérasme qui, séparé de son maître par la tempête, avait gagné la côte d’Anfalerne, et qui s’était habilement insinué dans la confiance de Galafre ! À peine les deux amis se sont-ils reconnus, qu’ils se redressent, mettent l’épée à la main, et, appelant à eux une douzaine de chevaliers chrétiens que Gérasme a ramenés de Palestine, courent sus aux Sarrasins, tombent à la fois sur l’armée d’Yvoirin et sur l’armée de Galafre, les taillent en pièces, et rentrent triomphants dans Anfalerne. Esclarmonde est délivrée, Huon la presse dans ses bras et l’emmène immédiatement à bord d’un navire où Gérasme et ses douze chevaliers s’embarquent après lui. Et vogue la galère !

Enfin, après avoir abordé en Italie et s’être arrêté à Rome pour recevoir des mains du pape le sacrement de rigueur, l’illustre couple arrive en France.