Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/315

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nations. Le premier et l’aîné qui porta ce sceptre, fut Elfin. À lui toute l’Inde obéit » et tout ce pays que les hommes appellent maintenant Amérique. Après lui, vint le noble Elfinan qui jeta les fondements de Cléopolis[1]. Mais ce fut Elfilin qui l’entoura d’un mur d’or.

» Son fils fut Elfinell qui vainquit les méchants lutins en bataille sanglante. Mais Elfant fut le plus renommé, qui construisit Panthée toute de cristal. Puis vint Elfar qui tua deux frères géants, dont l’un avait deux têtes et l’autre trois. Puis Ellinor qui fut habile en magie. Il construisit par l’art sur la mer miroitante un pont de cuivre dont le son imitait la foudre du ciel.

» Il laissa trois fils qui régnèrent successivement, et eurent leurs descendants pour légitimes successeurs. En tout, sept cents princes qui maintinrent par de puissants exploits leurs divers gouvernements. Il serait trop long et peu intéressant de rappeler ici leurs actes infinis. Pourtant ce seraient des monuments fameux et de beaux exemples de pouvoir martial et civil pour les rois et les empires.

» Après eux tous, Elficléos régna, le sage Elficléos, à la majesté grande, qui soutint puissamment ce sceptre, et par de riches dépouilles et des victoires fameuses rehaussa la couronne féerique. Il laissa deux fils. Le bel Elféron, le frère aîné, mourut avant l’âge, et le puissant Obéron remplit sa place vide, au lit nuptial et sur le trône.

» Il surpassa par la puissance et par la gloire tous ceux qui, avant lui, s’étaient assis sur le siége sacré, et aussi sa renommée est-elle restée immense. Il laissa en mourant la belle Tanaquil pour lui succéder, en vertu de sa volonté dernière. Nulle vivante à cette heure n’est plus belle et plus noble. Nulle ne l’égale en grâce, en habileté savante. Aussi appelle-t-on Gloriana cette glorieuse fleur. Puisses-tu, Gloriana, vivre en gloire et grand pouvoir[2] ! »

Telle est, selon Spenser, la Genèse de la féerie. Les fées ont une origine titanique ; Prométhée a été pour elles ce que le Dieu de la Bible est pour nous. Le premier sylphe et la première fée se sont rencontrés dans les jardins d’Adonis, comme le premier homme et la première femme dans le Paradis Terrestre. Mais qu’est-ce donc que

  1. Capitale de l’empire féerique.
  2. La Reine des Fées, livre II, chant x.