Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/331

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copia cette signature, la mit en tête de sa grande édition, et pour la première fois, le nom de l’auteur d’Hamlet fut imprimé ainsi : Shakspeare.

Malone s’était tellement infatué de cette orthographe qu’en 1790, voulant faire faire par son graveur un fac-simile de la signature que possédait Garrick, il n’hésita pas, bien que cette signature fût tronquée, à la publier avec les mêmes lettres : Shakspeare.

Cependant, vers 1793, quand le monde littéraire eut adopté l’épellation fixée par les deux critiques, Malone reçut une lettre d’un correspondant anonyme qui l’accusait d’avoir induit le public en erreur. Au reçu de cette lettre écrite évidemment par un admirateur du poëte, l’honnête critique conçut des scrupules. Il examina de nouveau les écritures, puis déclara qu’il s’était trompé, que Steevens s’était trompé, que l’orthographe Shakspeare, que tous deux croyaient avoir vue au bas du testament, n’existait en réalité que dans leur imagination, et que la véritable orthographe était Shakspere. Dans un ouvrage intitulé : Inquiry, Malone n’hésita pas à se confesser publiquement de sa faute. Voici cet intéressant aveu : « En l’an 1776, M. Steevens, en ma présence, traça avec l’exactitude la plus minutieuse les trois signatures apposées par le poëte à son testament. Tandis que nous crûmes lire Shakspere dans les deux premières, nous nous figurâmes qu’il y avait une variante dans la troisième et qu’un a existait dans la seconde syllabe. En conséquence, nous avons constamment, depuis cette époque, ainsi publié le nom du poëte : Shakspeare. Certainement cela aurait dû nous frapper comme une circonstance extraordinaire qu’un homme eût écrit son nom sur le même papier de deux façons différentes. Il n’en fut rien toutefois. Je n’avais pas encore soupçonné notre méprise lorsque, il y a environ trois ans, je reçus une lettre très-sensée d’un correspondant anonyme qui me démontra très-clairement que, bien que le poëte, probablement à cause du tremblement de sa main, eût donné un coup de plume superflu en écrivant la lettre, il n’existait pas d’a perceptible dans la seconde syllabe, et que la signature finale était écrite comme les deux autres : Shakspere. En revenant par la pensée sur cette affaire, cette idée me vint à l’esprit que, dans le fac-simile de son nom donné par moi en 1790, mon graveur s’était trompé en indiquant un a au-dessus de la seconde syllabe du nom et que ce qu’on avait pris pour un a était simplement un signe d’abréviation qu’un jambage de trop faisait ressembler à cette lettre… Si, M. Steevens et moi, nous avions eu l’intention malicieuse de tendre un piége au graveur, nous ne nous