Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/205

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approche, — vainqueur dans cette chaude éternelle journée ! — Nos armures, qui se sont éloignées d’ici brillantes comme l’argent, — s’en reviennent dorées de sang français ; — il n’est pas de panache attaché à un casque anglais — qui ait été abattu par une lance française ; — nos couleurs reviennent dans les mêmes mains — qui les ont déployées quand nous nous sommes mis en marche ; — et, comme une troupe joyeuse de chasseurs, ils arrivent, — nos robustes Anglais, ayant tous les mains teintes — du sang de leurs ennemis éteints. — Ouvrez vos portes, et donnez entrée aux vainqueurs.
HUBERT, du haut des remparts.

— Hérauts, du haut de nos tours, nous avons pu voir, — depuis le commencement jusqu’à la fin, le choc et le recul — des deux armées : — leur égalité n’a pu être mise en doute par les yeux les plus exercés. — Le sang a payé le sang, et les coups ont répondu aux coups ; — la force a résisté à la force, et la puissance a tenu tête à la puissance. — Les deux rivaux sont égaux, et nous les aimons également. — Il faut qu’un des deux l’emporte ; tant qu’ils resteront dans cet équilibre, — nous garderons notre ville contre tous les deux, et pour tous les deux.

Rentrent, d’un côté, le roi Jean, suivi de son armée et accompagné de Blanche, de la reine-mère Éléonore, et du Bâtard ; de l’autre, Philippe, Louis, l’Archiduc, suivis de troupes.
LE ROI JEAN, à Philippe.

— France, as-tu encore du sang à perdre ? — Laisseras-tu couler enfin le fleuve de notre droit ? — Ce fleuve, dont tu gênes le passage par tes obstacles, — s’élancera hors de son lit natal et débordera, — dans son cours troublé, jusque sur tes terres riveraines, — si tu ne laisses ses eaux argentées continuer — leur progrès pacifique jusqu’à l’Océan.