Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/36

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le courage, égal à ses frères Édouard et Georges ; mais, pour la beauté et pour les traits extérieurs, il était bien au-dessous d’eux, car il avait la taille petite, les membres disproportionnés, le dos voûté, l’épaule gauche beaucoup plus haute que la droite, et cette sorte de visage ingrat qui à la cour passe pour figure martiale, et, parmi les gens du commun, pour un visage dur. Il était malicieux, pervers et envieux ; et l’on rapporte que sa mère, la duchesse, eut beaucoup de peine à le mettre au monde, et que, quand il y vint, ce fut les pieds par devant, et non sans avoir des dents ; est-ce là un rapport exagéré fait par ses ennemis, ou bien la nature changea-t-elle réellement son cours dès le commencement d’une vie que devaient marquer tant de choses contre nature ? c’est ce que Dieu seul peut décider. Il n’était pas mauvais capitaine dans la guerre, ayant naturellement pour elle plus de goût que pour la paix. Il remporta plusieurs victoires, et, s’il subit quelques défaites, ce ne fut jamais par la faute de sa propre personne, ni par manque de hardiesse ou d’ordre politique. Il était généreux de ses largesses, et libéral un peu au-dessus de ses moyens ; il s’acquit par de vastes présents des amitiés incertaines, pour lesquelles il voulait toujours emprunter, piller et extorquer le bien des autres, s’attirant ainsi des haines certaines. Il était mystérieux et secret, profondément dissimulé, bas de contenance, arrogant de cœur, familier extérieurement avec ceux qu’il haïssait intimement, ne s’abstenant pas de baiser qui il songeait à tuer ; rancuneux et cruel, non par mauvais vouloir toujours, mais souvent par ambition et pour atteindre son but ; amis et ennemis lui étaient tous indifférents là où son intérêt surgissait ; il n’épargnait jamais la mort à quiconque faisait par sa vie obstacle à ses plans. Il tua dans la Tour le roi Henry VI en disant : « Maintenant il n’y a plus d’autres héritiers