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NOTES.
LE ROI JEAN.

— Essex, répète la question pour la forme, — et mettons fin à cette contestation.

ESSEX.

— Philippe, parle, te dis-je, qui a été ton père ?

LE ROI JEAN.

— Eh bien ! jeune homme, es-tu donc en syncope ?

ÉLÉONORE.

— Philippe, éveille-toi. Notre homme rêve.

PHILIPPE.

Philippus atavis edite regibus. — Que dis-je ? Philippe, issu des anciens rois ? — Quo me rapit empestas ? — Quel vent d’orgueil souffle sur moi ses fureurs ? — D’où viennent ces fumées de majesté ? — Il me semble entendre l’écho sonore crier — que Philippe est le fils d’un roi. — Les feuilles qui sifflent sur les arbres tremblants — sifflent en chœur que je suis fils de Richard. — Le murmure des torrents qui bouillonnent — dit Philippus regius filius. — Les oiseaux dans leur vol font une musique avec leurs ailes, — remplissant l’air de la gloire de ma naissance. — Les oiseaux, les ruisseaux, les feuilles, les montagnes, l’écho, tout — répète à mon oreille que je suis fils de Richard. — Insensé ! où te laisses-tu emporter ? — Pourquoi tes pensées se perdent-elles ainsi dans le ciel de l’honneur ? — Oublies-tu donc ce que tu es et d’où tu viens ? — Le patrimoine de tes pères ne peut pas maintenir de pareilles pensées. — Ces pensées-là sont loin de convenir à un Faulconbridge. — Mais aussi pourquoi mon âme ambitieuse — ne peut-elle plus, dans son essor, se résigner à n’être que Faulconbridge ? — Après tout, sais-tu qui tu es ? — Et puis, sais-tu ce qui attend ta réponse ? — Vas-tu donc, dans la frénésie d’un vain transport, — sacrifier ton patrimoine, en te disant bâtard ? — Non, garde ton bien. Quand Richard serait ton père, — n’importe : dis que tu es un Faulconbridge.

LE ROI JEAN.

— Parle, l’ami. Dépêche-toi. Dis-nous qui fut ton père.

PHILIPPE.

— N’en déplaise à votre majesté, sir Robert… — Ce mot Faulconbridge s’accroche à ma mâchoire, — il ne veut pas sortir. Quand il irait de ma vie, — je ne pourrais pas dire que je suis le fils d’un Faulconbridge. — Au diable le patrimoine et la fortune ! C’est le feu de l’honneur, — qui me fait jurer que le roi Richard fut mon père. — Le bâtard d’un roi est plus noble — qu’un chevalier, même légitime. — Je suis le fils de Richard !

(24) La pièce de trois farthings (à peu près trois liards) était d’argent, et par conséquent, fort mince. Elle portait sur la face une