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MACBETH, LE ROI JEAN ET RICHARD III.

ARTHUR.

— Pourtant les pleurs des femmes, leurs douleurs, leurs airs solennels, — augmentent le fardeau des malheurs, loin de le diminuer.

CONSTANCE.

— Si quelque puissance écoutait les plaintes d’une veuve — qui demande vengeance du fond d’une âme blessée, — elle enverrait la peste pour infecter ce climat — et cette contrée maudite où respirent les traîtres, — où le parjure, comme le présomptueux Briarée, — assiége le ciel de ses mensonges. — Il avait promis, Arthur, il avait juré — de défendre tes droits et d’abaisser l’orgueil de tes ennemis ! — Mais, maintenant, ce noir parjure, — il conclut une trêve avec l’enfant damné d’Éléonore, — et marie Louis VIII à son aimable nièce, — partageant sa fortune et ses domaines — entre ces deux amants. Malheur à cette union ! — Puisqu’ils te chassent de ton bien et triomphent des larmes d’une veuve, — que, de même, le ciel les jette dans une carrière malheureuse ! — Ainsi, de tout ce sang répandu de part et d’autre, — qui a apaisé la soif de la terre entr’ouverte, — il n’est sorti qu’un jeu d’amour et une fête de fiançailles !

Là se termine la scène. Combien cette tristesse raisonneuse paraît froide à côté du désespoir de la mère que nous venons de voir tomber à terre tout échevelée !

(33) Dans la pièce de Shakespeare, le duc d’Autriche et le vicomte de Limoges ne font qu’un, et voilà pourquoi Constance les confond dans son imprécation : Ô Limoges ! ô Autrichien ! Mais, dans l’histoire, ces deux personnages sont parfaitement distincts. — L’un, Léopold, duc d’Autriche, est celui qui emprisonna Richard en 1193 ; l’autre, Vidomar, vicomte de Limoges, est le châtelain du manoir de Chalus, devant lequel Cœur de Lion fut blessé à mort, en 1199, par un archer nommé Bertrand de Bourdon. Shakespeare attribue le meurtre de Cœur de Lion au duc d’Autriche et venge le père avec l’épée du fils, en faisant tuer le duc d’Autriche par le Bâtard. — Cette confusion des deux personnages historiques, qui se trouve également dans Le Roi Jean anonyme, était sans doute une tradition de la scène anglaise, tradition populaire qui, en attribuant un rôle odieux à un membre de la maison d’Autriche, autorisait une foule d’allusions hostiles à cette perfide ennemie de l’Angleterre.

(34) La sentence d’excommunication prononcée par le cardinal contre le roi Jean est en prose dans la pièce de 1501 :

« Moi, Pandolphe de Padoue, légat du siége apostolique, je te déclare maudit ; je délie chacun de tes sujets de toute loyauté et de toute