Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tre les deux époux cette scène intime qui devrait se passer dans l’alcôve. Lady Macbeth veut être reine ; elle veut mettre une couronne dans ses cheveux : c’est si beau, une couronne, et cela va si bien ! Cruel le mari qui refuserait à sa femme une telle parure ! Lady Macbeth reproche au thane son inaction ; elle traite de lâche ce héros, elle le compare au pauvre chat du proverbe ; au milieu de ses invectives, elle lui jette cette apostrophe suprême : « Désormais je sais à quoi m’en tenir sur ton amour. » Ce cri si réel, qui a si souvent retenti dans les querelles des amants, détermine enfin Macbeth : — Je suis décidé, s’écrie-t-il ; et, dès que sa femme sonne la cloche, le voilà qui entre dans la chambre de Duncan et qui le tue. Pourtant Macbeth n’a pas perdu tout sentiment moral : la preuve, c’est qu’il a des remords. Dès qu’il a fait la chose, il voudrait ne plus avoir la connaissance de lui-même : plût au ciel que Duncan pût être réveillé ! Pour lui, désormais, le vin de la vie est épuisé, et il n’en reste plus que la lie !

Macbeth voudrait encore revenir au bien, mais, hélas ! « il est tellement engagé dans le sang qu’il trouve aussi pénible d’avancer que de reculer. » Le mal l’entraîne avec une inexorable logique. Condamné au meurtre, il tue Banquo, il massacre la famille de Macduff. Alors il nous paraît bien horrible ; mais, soyons justes, la faute n’est pas toute à lui. Ce sont les sorcières qui l’ont tenté, c’est sa femme qui l’a précipité. Ah ! c’est cette femme surtout qu’il faut accuser ; c’est cette femme qu’il faut maudire. Regardez-la, pendue au cou du noble thane, cette créature pâle et blonde, souple, féline, charmante, irrésistible. C’est l’image vivante de la séduction. Dans l’antiquité biblique, elle s’est appelée Ève et Dalila ; dans l’antiquité grecque, elle s’est appelée Hélène ; dans l’antiquité romaine, elle s’est appelée Cléopâtre ; il y a quel-