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LE CONTE D’HIVER.
racte — pour que leur crime ne soit pas vu ? Est-ce que cela n’est rien ? — Alors le monde, avec tout ce qui est dedans, n’est rien ; — le ciel qui le couvre n’est rien ; Bohême n’est rien ; — ma femme n’est rien ; et tous ces riens ne renferment rien, — si cela n’est rien !
CAMILLO.

Mon bon seigneur, guérissez-vous — de cette opinion maladive, et au plus vite ; — car elle est des plus dangereuses.

LÉONTE.

N’importe, elle est vraie.

CAMILLO.

— Non, non, monseigneur.

LÉONTE.

Elle l’est ; vous mentez, vous mentez !… — Je te dis que tu mens, Camilio, et que je te hais ! — Déclare-toi un gros benêt, un maroufle sans esprit, — ou bien un intrigant équivoque qui — peut voir du même œil le bien et le mal — et se prêter à tous les deux. Si le foie de ma femme — était aussi corrompu que sa vie, elle ne vivrait pas — la durée d’un sablier.

CAMILLO.

Et qui donc l’a corrompue ?

LÉONTE.

— Eh bien, celui qui la porte comme une médaille, pendue — à son cou, ce Bohémien qui… Si j’avais — autour de moi de vrais serviteurs qui eussent des yeux — pour veiller à mon honneur aussi bien qu’à leurs profits, — à leurs bénéfices particuliers, ils feraient en sorte — qu’on n’en fît pas davantage. Oui, et toi, — son échanson, toi que d’un banc infime — j’ai fait monter à l’estrade et élevé à l’Excellence ; toi qui peux voir — aussi distinctement que le ciel voit la terre et que la terre voit le ciel, — combien je suis outragé, tu pourrais