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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/435

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SCÈNE XI.

CAMILLO.

Que vous êtes envoyé par le roi votre père — pour le saluer et lui offrir des condoléances. — Quant à la conduite que vous devrez tenir envers lui, — quant aux choses que vous devrez lui confier, comme de la part de votre père, — sur des secrets connus de nous trois seuls, je vous mettrai tout cela par écrit ; en vous indiquant de point en point ce qu’à chaque entrevue — vous aurez à lui dire ; en sorte qu’il ne pourra s’empêcher de croire — que vous avez toute la confiance de votre père — et que vous parlez du fond de son cœur.

FLORIZEL.

Je vous suis obligé : — cet avis-là est fécond.

CAMILLO.

Cela vaut bien mieux — que de vous élancer à l’aventure, — sur des eaux inexplorées, vers des rivages perdus, avec la certitude — d’une foule de misères, sans espérances pour vous secourir, — que celles qui vous échapperont, aussitôt que saisies ; — ayant pour certitude suprême vos ancres qui — pourront, tout au plus, vous faire rester — où vous serez découragés d’être. D’ailleurs, vous le savez, la prospérité est le lien véritable de l’amour, — dont le teint délicat et le cœur même — s’altèrent avec le malheur.

PERDITA.

Cela est vrai à moitié ; — le malheur, je le crois, peut flétrir le visage, — mais non corrompre les sentiments.

CAMILLO.

Oui-dà ! c’est ainsi que vous parlez ! — Je doute que d’ici à sept ans il naisse chez votre père — une autre fille comme vous !

FLORIZEL.

Mon bon Camillo, — elle est aussi supérieure par le mérite — qu’inférieure à nous par la naissance.