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LE ROMAN DE TROYLUS.

sir, j’en suis très-joyeux ; et de ce qu’elle a fait à présent, et en suis courroucé comme vous, et je prie Dieu qu’il la punisse selon la grande faute qu’elle a faite. »

Grandes furent les plaintes et lamentations. Mais toujours faisait fortune son cours : Brisaïda mettait tout son cœur en Dyomèdes, et Troylus gémissait et pleurait. Dyomèdes louait Dieu de sa bonne fortune et Troylus faisait le contraire ; en se dolant le maudissait. Dedans les batailles et estours entrait toujours Troylus le premier, cherchant Dyomèdes plus que tout autre, et plusieurs fois s’entretrouvèrent l’un l’autre en se faisant de vilains reproches, et s’entredonnèrent de très-grands et merveilleux coups telles fois de taille, et s’entrevendaient à merveilles chèrement leur folle amour. Mais Fortune n’avait pas disposé que l’un fournît le propos de l’autre. Le courroux de Troylus, tant que dura la guerre, fit sans nulle faute beaucoup d’ennui et de dommage aux Greux. Il ne semblait point homme en la bataille, mais un diable, tant donnait d’horribles et grands coups. Mais depuis long espace de temps après qu’il en eut fait mourir plus de IIII m. misérablement de sa main, le tua le vaillant capitaine des Greux nommé Achille. Cette fin eut Troylus en l’amour de Brisaïda. Cette fin eurent toutes ses misérables douleurs, lesquelles jamais à autres ne furent pareilles. Cette fin eut le fils du roi qui était bel entre les beaux avec son palais royal. Cette fin eut l’espérance vaine qu’avait Troylus en la belle Brisaïda, fausse, traîtresse et déloyale.