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PANDOSTO OU LE TRIOMPHE DU TEMPS.

familièrement pour témoigner par ses actes combien son âme lui était sympathique : elle allait elle-même souvent dans sa chambre à coucher pour voir si tout était à sa convenance. Cette honnête familiarité s’accroissait chaque jour entre eux ; Bellaria remarquant dans Egistus une âme princière et généreuse, et Egistus découvrant dans Bellaria une disposition vertueuse et courtoise, il se fît une si secrète union de leurs affections que l’un n’était jamais bien sans la société de l’autre. Aussi, lorsque Pandosto, occupé d’affaires urgentes, ne pouvait tenir compagnie à son ami Egistus, Bellaria se promenait avec lui dans le jardin, et tous deux passaient le temps, à leur grande satisfaction, dans des entretiens privés et enjoués. Cette habitude continuant toujours entre eux, une certaine passion pénétra dans l’âme de Pandosto et lui inspira diverses pensées soupçonneuses. Il commença alors à mesurer toutes leurs actions et à interpréter à mal leur familiarité trop privée, jugeant qu’elle n’était point une affection honnête, mais un caprice désordonné ; et il se mit à les surveiller pour voir s’il ne pouvait pas acquérir une preuve certaine à l’appui de ses soupçons. Tandis qu’il observait leurs gestes et leurs regards, eux, ces deux folles âmes, ne se doutant pas de ses intentions traîtresses, se fréquentaient chaque jour. L’esprit obsédé de jalousie, Pandosto se persuada que son ami Egistus le trichait : sur quoi, pour se venger, il résolut, tout en dissimulant sa rancune sous une apparence amicale de lui jouer le tour d’un ennemi. Après avoir réfléchi comment il pourrait se débarrasser d’Egistus sans être soupçonné de l’avoir occis traîtreusement, il se détermina enfin à l’empoisonner ; et, pour mieux dépêcher l’affaire, il manda son échanson à qui il confia secrètement son projet, lui promettant pour récompense mille couronnes de revenu. L’échanson, soit