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PANDOSTO OU LE TRIOMPHE DU TEMPS.

mais les gens, la croyant fille du berger Porrus, ne faisaient que s’étonner de sa beauté et de son intelligence. Chaque jour elle menait paître son troupeau, abritant son visage des ardeurs du soleil avec une simple guirlande de branches et de fleurs, et cette coiffure lui allait si galamment, que la jeune fille semblait par sa beauté être la déesse Flore elle-même… Une fois il y eut réunion de toutes les filles des fermiers de la Sicile, et Fawnia y fut conviée comme la maîtresse de la fête. Elle se rendit donc, sous ses plus beaux atours, au milieu de ses compagnes, et passa le jour dans les naïfs amusements familiers aux bergers. Le soir venu, Fawnia, ayant prié une de ses camarades de l’accompagner, s’en revint chez elle pour voir si le troupeau était bien parqué. Comme les deux filles cheminaient, il arriva qu’elles rencontrèrent Dorastus[1], fils du roi, qui toute la journée avait chassé au faucon et tué du gibier.

En jetant les yeux sur Fawnia, Dorastus fut à demi-effrayé, craignant d’avoir vu Diane, ainsi qu’Actéon. Tandis qu’il était interdit, un de ses gens lui dit que la fille à la guirlande était Fawnia, cette jolie bergère dont la beauté était si célèbre à la cour. Dorastus se hasarda alors à lui demander de qui elle était fille, quel âge elle avait et comment elle avait été élevée. Et elle lui répondit avec une réserve si modeste et une telle vivacité d’esprit, que Dorastus crut que sa beauté extérieure n’était que la terne contrefaçon de ses qualités intérieures ; tandis qu’il causait avec elle, la perfection de Fawnia enflamma son imagination au point qu’il sentit son âme se métamorphoser, et, pour éviter la sirène qui l’enchantait ainsi, il donna de l’éperon à son cheval, en disant adieu à cette jolie bergère. Fawnia s’en retourna

  1. Florizel.