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PRÉFACE.

commentaires les plus ordinaires à toutes les actions de nos existences, et qui montrent une telle dextérité et une telle puissance d’esprit, qu’elles se font aimer des plus grands ennemis du théâtre. Les hommes positifs les plus épais, les plus bornés, les plus insensibles à l’esprit de la comédie, qui, sur le bruit qu’on en faisait, sont venus à ses représentations, y ont trouvé un esprit qu’ils n’avaient jamais trouvé en eux-mêmes, et en sont sortis plus spirituels qu’ils en étaient entrés, — sentant chevillées en eux des pointes d’esprit qu’ils ne soupçonnaient pas pouvoir trouver place dans leur cervelle. Il y a dans ses comédies un sel si savoureux qu’elles semblent, tant le goût en est relevé, être nées de la mer qui enfanta Vénus ! Entre toutes il n’en est pas de plus spirituelle que celle-ci : si j’en avais le temps, j’en ferais un commentaire, non pas, ce que je sais fort inutile, pour vous prouver que vous en avez pour votre argent, mais pour vous faire voir toute la valeur qu’un pauvre homme comme moi peut y découvrir. Elle mérite un tel travail, aussi bien que la meilleure comédie de Térence ou de Plaute. Et je crois que quand l’auteur aura disparu, et quand les éditions de ses comédies seront épuisées, vous vous en arracherez les exemplaires et vous établirez tout exprès une nouvelle inquisition anglaise. Prenez ceci pour un avertissement ; et, au nom de votre plaisir et de votre intelligence, n’allez pas repousser et dédaigner cette œuvre par la raison qu’elle n’a pas encore été souillée par l’haleine enfumée de la multitude ;