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SCÈNE III.

direction, de proportion, de saison, de forme, — d’attribution et d’habitude, qu’ils observent avec un ordre invariable. — Et voilà pourquoi le soleil, cette glorieuse planète, — trône dans une noble prééminence — au milieu des autres sphères ; son regard salutaire — corrige le sinistre aspect des planètes funestes, — et s’impose, avec une autorité souveraine — et absolue, aux bons et aux mauvais astres. Mais pour peu que les planètes osent s’égarer dans une coupable confusion, — alors que de fléaux ! que de monstruosités ! que de séditions ! — Quelles fureurs agitent la mer ! que de tremblements, la terre ! — quelles commotions, les vents ! Les catastrophes, les changements, les horreurs — renversent et rompent, arrachent et déracinent — l’unité et le calme des États — de leur harmonieuse fixité. Oh ! quand la hiérarchie est ébranlée, — elle qui sert d’échelle à tous les hauts desseins, — on voit défaillir l’entreprise humaine. Comment les communautés, — les degrés dans les écoles, les fraternités dans les cités, — le trafic paisible des rivages séparés, — les droits de l’aînesse, et de la naissance, — les prérogatives de l’âge, les couronnes, les sceptres, les lauriers — conserveraient-ils leurs titres authentiques sans la hiérarchie ? — Supprimez la hiérarchie, faussez seulement cette corde, — et écoutez quelle dissonnance ! Tous les êtres se choquent — dans une lutte ouverte. Les eaux naguère contenues, — gonflent leurs seins au-dessus des rives, — et innondent tout ce globe solide. — La violence asservit la faiblesse, — et le fils brutal frappe son père à mort. — La force devient la justice : ou plutôt le juste et l’injuste, — ces éternels adversaires entre lesquels siége l’équité, — perdent leurs noms, comme l’équité, le sien. — Alors tout se retranche dans la puissance ; — la puissance, dans la volonté ; la volonté, dans l’appétit ; — et l’appétit, ce loup universel,