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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/158

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CYMBELINE.

seuse de philtres, l’aura ensorcelé, — et il est dans quelque situation critique… Parle, l’ami ! Tes paroles — pourraient amortir le coup que cette lecture — va peut-être rendre fatal pour moi.

PISANIO.

Veuillez lire ; — et vous allez voir en moi, misérable homme, l’être — le plus conspué de la fortune.

IMOGÈNE, lisant.

« Ta maîtresse, Pisanio, s’est prostituée dans mon lit : j’en ai des témoignages qui saignent en moi. Je ne parle pas sur de faibles conjectures, mais sur des preuves aussi fortes que ma douleur, aussi certaine que la vengeance attendue par moi. Dans cette mission, Pisanio, c’est toi qui dois me remplacer si ta foi n’a pas été entachée par son parjure. Que tes propres mains lui ôtent la vie ; je t’en fournirai l’occasion à Milford-Haven, où va l’amener une lettre de moi. Là, si tu ne la frappes pas, si tu ne me donnes pas la certitude que c’est chose faite, c’est que tu es le complaisant de son déshonneur, et déloyal autant qu’elle. »

PISANIO.

— Qu’ai-je besoin de tirer mon épée ? Ce papier — lui a déjà coupé la gorge. — Non ! ce qui la tue, c’est la calomnie, — dont le tranchant est plus aigu que l’épée, dont la langue — est plus venimeuse que tous les reptiles du Nil, dont le souffle — prend les vents pour coursiers et lance l’imposture — à tous les coins du monde, aux rois, aux reines, aux États, — aux vierges, aux matrones ! il n’est pas jusqu’aux secrets de la tombe — où ne pénètre la calomnie vipère !… Comment vous trouvez-vous, madame ?

IMOGÈNE.

— Moi, infidèle à son lit ! Qu’est-ce donc que d’être infidèle ? — Est-ce d’y rester couchée sans dormir, et en pensant à lui ? — D’y pleurer d’heure en heure ? ou, pour peu que le sommeil s’impose à la nature, — de l’interrompre par un rêve qui m’effraye pour lui, — et de