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LES JALOUX.

dans quinze jours. — Jehan, de par Dieu ! fit messire Robert.

Jehanne vendit donc tout son harnais qui était fort beau, puis acheta trois chevaux, un palefroi pour son seigneur, un autre pour Jehan, et un cheval pour faire soumier. Puis tous deux prirent congé de leurs voisins, qui furent fort dolents de leur départ. Trois semaines suffirent à nos voyageurs pour aller de Marseille en Flandre. Messire Robert fut reçu par son beau-père qui le remit immédiatement, mais qui ne reconnut pas Jehanne. L’arrivée du chevalier fut au château l’occasion d’une fête où furent conviés tous les seigneurs des environs. Le chevalier Raoul fut naturellement invité. Dès qu’il vit entrer son rival, messire Robert le désigna à Jehan comme l’heureux seigneur qui lui avait enlevé sa femme et sa terre. À ce récit Jehan s’indigne ; il soutient que Raoul en a menti et veut immédiatement le lui prouver, l’épée à la main. Mais Robert retient son écuyer en lui déclarant que nul ne fera la bataille sinon lui-même ; et, sans plus tarder, il s’avance vers Raoul et le provoque. Raoul relève le gant. Les gages sont échangés en présence du châtelain, et le jour du duel est fixé à quinzaine pour laisser aux combattants le temps de se préparer.

Dans cet intervalle, messire Robert eut un grand chagrin. Un matin, il appela Jehan. Jehan ne répondit pas. Il appela encore : pas de réponse. Étonné de ce silence, il alla dans la chambre de son écuyer et la trouva vide ! Qu’était devenu Jehan, le fidèle Jehan ? Nul ne le savait. Le pauvre chevalier eut beau battre la campagne et demander partout des nouvelles de son page, nul ne put lui en donner. Le jour du combat, il fallut que messire Robert s’équipât tout seul. Il revêtit tristement son armure, et, à l’heure dite, non sans s’être retourné plus