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SCÈNE IV.
d’une civile et généreuse bienséance, afin de mieux satisfaire la passion libertine et lubrique qu’il cache ! Non, personne n’est mieux placé que lui, personne ! Un drôle intrigant et subtil, un trouveur d’occasions ! Un faussaire qui peut extérieurement contrefaire toutes les qualités, sans jamais présenter une qualité de bon aloi ! Un drôle diabolique !… Et puis, le drôle est beau, il est jeune, il a en lui tous les avantages que peut souhaiter la folie d’une verte imagination ! C’est une vraie peste que ce drôle ! Et la femme l’a déjà attrapé.
RODERIGO.

Je ne puis croire cela d’elle. Elle est pleine des plus angéliques inclinations.

IAGO.

Angélique queue de figue ! Le vin qu’elle boit est fait de grappes. Si elle était angélique à ce point, elle n’aurait jamais aimé le More. Angélique crème fouettée !… N’as-tu pas vu son manége avec la main de Cassio ? N’as-tu pas remarqué ?

RODERIGO.

Oui, certes : c’était de la pure courtoisie.

IAGO.

Pure paillardise, j’en jure par cette main ! C’est l’index, l’obscure préface à l’histoire de la luxure et des impures pensées. Leurs lèvres étaient si rapprochées que leurs haleines se baisaient. Pensées fort vilaines, Roderigo ! Quand de pareilles réciprocités ont frayé la route, arrive bien vite le maître exercice, la conclusion faite chair. Pish !… Mais laissez-vous diriger par moi, monsieur, par moi qui vous ai amené de Venise. Soyez de garde cette nuit. Pour la consigne, je vais vous la donner. Cassio ne vous connaît pas… Je ne serai pas loin de vous… Trouvez quelque prétexte pour irriter Cassio soit en parlant trop haut, soit en contrevenant à sa discipline, soit par