Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
INTRODUCTION.

Certes, ni vous ni votre lignage
Ne sauriez dire rien de bien, sinon
Mauvaiseté et trahison ;
Videz, videz de devant moi
Céans le pas.

C’est avec la même indignation qu’Imogène reproche à Iachimo son infâme conduite : « Arrière ! je me blâme de t’avoir si longtemps écouté… Tu diffames un gentilhomme qui est aussi loin de ta calomnie que tu l’es de l’honneur. Tu poursuis une femme qui te méprise à l’égal du démon. Arrière ! »

En présence de ces minutieuses similitudes, on serait tenté de se demander si Shakespeare, quand il écrivit Cymbeline, n’avait pas connaissance du Miracle de Notre-Dame. Mais comment le poëte aurait-il connu ce vieux drame français, qui, déjà oublié au seizième siècle, est resté jusqu’à nos jours enfoui dans un manuscrit de notre bibliothèque nationale et n’a été réimprimé qu’en 1839 ? Jusqu’à ce que cette question soit résolue, les analogies que je signale devront être regardées comme les coïncidences fortuites de deux inspirations qui se rencontrent dans le même sujet. Ainsi la même idée se perpétue d’âge en âge et d’œuvre en œuvre ; parcourant toutes les littératures, elle franchit les monts et les mers ; elle vole par-dessus les glaciers des Alpes comme par-dessus les vagues de l’Atlantique ; elle est successivement française, italienne, française encore et anglaise ; et sous toutes les formes que lui prêtent tour à tour ces langues diverses, elle reste essentiellement homogène, à l’insu des écrivains qu’elle inspire ; elle conserve une sorte d’individualité qui, à des siècles de distance, se traduit par les mêmes paroles et se résume dans le même cri.

Mais, si vivace que soit une idée, quelque force intime