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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/414

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CYMBELINE ET OTHELLO.

Il était lieutenant du More,
— Poste de confiance et de valeur, —
Et aussi il dut avoir sa part
De la haine du traître odieux.

Celui-ci murmura au dos d’Othello
Que sa femme avait changé de goût,
Qu’elle n’aimait pas le noir de suie
Et que (lui-même le reconnaîtrait bientôt)
Elle lui préférait de beaucoup le teint vermeil
De ses propres compatriotes.
Il lui dit enfin d’avoir l’œil
Désormais sur la conduite de Desdémona.

— Bah ! bah ! dit hâtivement le More,
Vous en avez menti par la gorge !
— Je voudrais l’avoir fait, fit l’autre, car pour sûr
J’aurais mieux aimé mourir
Que de voir ce que j’ai vu.
— Qu’avez-vous vu, cria le More ?
— Ce qui peut convenir à une gueuse.
Non à la femme de mon cher général.

— Je ne veux plus rien entendre, fit Othello.
Il est vrai que je suis noir
Et qu’elle est blanche comme un ciel de matin ;
Mais cela elle l’a toujours su.
— Soit ! Seulement ayez l’œil
Sur ses actions à présent.
Cassio est son homme. Je ne mens pas,
Comme vous le reconnaîtrez bientôt !

Vous croyiez que c’était par amour pour vous
Qu’elle est venue dans cette île brûlante !
C’est que Cassio était avec vous et que la dame
Lui souriait tendrement.
Je ne puis que m’affliger de voir Monseigneur
Trompé ainsi de gaieté de cœur.
De grâce, prenez ma parole,
C’est une vérité qu’il faut croire.

O Dieu ! quelle preuve as-tu de cela,
Quelle preuve qu’elle est coupable ?
— Vous voulez une preuve ?… Il n’y a pas de mal…
Je vais vous en donner une preuve sur mon âme,